Le Maroc dispose de tous les atouts pour être une success story concernant la mise en place du paiement mobile : une certaine maturité économique, des pouvoirs publics volontaristes ayant fourni l’effort de mettre en œuvre les prérequis d’un écosystème interopérable et un contexte de saine concurrence entre acteurs souhaitant s’imposer sur ce marché encore vierge.
Néanmoins, plusieurs facteurs pourraient faire douter de cette réussite, le premier d’entre eux étant la solide implantation du cash dans les mœurs et dans les pratiques commerciales, couplée à une prépondérance de l’économie informelle (70 milliards de dirhams).
L’interopérabilité représente un élément clé pour la mise en œuvre d’un écosystème de paiement mobile efficient, tous les cas précédents (Ouganda, Kenya, Pakistan) ont en effet montré un impact décisif pour le développement de l’usage. Il est raisonnable de penser que le Maroc est en passe de réussir ce challenge : les derniers mois ayant vu le positionnement de plusieurs acteurs (Banques, Etablissements de paiement liés à des opérateurs télécom, pure players) accordés autour d’une offre partageant les mêmes principes de base techniques, fonctionnels et financiers. Aujourd’hui le dernier prérequis à la mise en œuvre effective d’une offre nationale de paiement mobile demeure dans la négociation de taux d’interchange de place (rétrocession de commissions entre acteurs sur les opérations marchandes)
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La réussite de la mise en œuvre du paiement mobile réside aussi dans la capacité des acteurs à le faire tester par une large frange de la population, puis faire durablement rentrer ce nouvel usage dans les mœurs. Au Maroc ce défi semble de prime abord plus ardu que dans d’autres pays de la zone subsaharienne, notamment parce que le cash, principal adversaire du paiement mobile y est solidement implanté : fiable, discret, simple d’accès et universellement accepté, il est également conforté par une stabilité économique, géopolitique et un bon niveau de sûreté intérieure.
Comment convaincre l’usager marocain alors ? Un début de réponse se trouve dans la vitalité du secteur du transfert d’argent : le paiement mobile permettra à tout un chacun d’envoyer et de recevoir des sommes d’argent de manière instantanée, pour une fraction des prix actuellement pratiqués et ce sans nécessiter de déplacement physique.
Qui connait bien l’environnement marocain sait également quel rôle socio économique est joué par les « épiciers », petits commerçants de proximité. Estimés à plus de 80 000 fonds de commerce, majoritairement issus des provinces du sud et implantés dans toutes les zones plus ou moins densément peuplées du pays, les épiciers représentent le réseau de proximité (non structuré) le plus dense du pays et approvisionnent totalement ou partiellement la majorité des foyers marocains en produits de base.
Il apparaît alors clairement que l’acteur qui trouvera les arguments permettant d’équiper cette population encore réfractaire aux paiements électroniques en terminaux de paiement mobile aura vraisemblablement gagné la bataille des transactions digitales dans un pays encore largement cash exclusif. L’enjeu est d’importance. En effet circonscrire l’usage du paiement mobile au transfert d’argent de personne à personne limite considérablement l’impact en termes d’inclusion financière. C’est en développant les usages (transfert puis paiement marchand puis services financiers de type prêt, assurance, etc.) que les impacts sociaux et économiques seront les plus significatifs.
Un rapide tour d’horizon des expériences internationales de vulgarisation des paiements mobiles nous impose une conclusion : les acteurs publics et institutionnels ont tout à gagner d’une généralisation de ce type de pratiques de paiement : efficience économique, réduction du coût du cash, traçabilité accrue des transactions et sans aucun doute élargissement de l’assiette fiscale In Fine.
Dès lors, on comprend l’intérêt de voir des mesures fortes de l’état venir apporter une aide décisive en vue de la généralisation de ce nouvel usage. Ces dernières peuvent schématiquement prendre deux formes : les aides incitatives sous forme d’exonérations fiscales, d’ouverture des flux gouvernementaux sortants (aides, remboursements, bourses) ou entrants (redevances, amendes, impôts) à ce type de paiements. La deuxième forme de mesures a également prouvé son efficacité : il s’agit de contraindre certains commerçants à s’équiper (comme en la Corée du Sud par exemple) voire de limiter fortement les transactions en espèces dans certains cas de figures comme l’a fait l’Inde récemment.
Une chose ne fait aucun doute : l’année 2019 sera l’année charnière qui permettra la consécration d’un modèle de paiement mobile marocain unique et présentant un potentiel de développement important. Dans le cas contraire, une posture volontariste de l’état permettra sans aucun doute de donner l’impulsion qui fait encore défaut dans un marché qui peut sembler encore timide.