En organisant à Dakar et dans sept autres de ses filiales africaines le Civic Tech Festival, Jokkolabs clôt « une année 2018 riche en matière d’engagements, de programmes et d’activités. » Mme Fatoumata Niang Niox, sa directrice exécutive fait le bilan et fait part de ses espoirs pour l’année à venir, pour les entrepreneurs africains.
Quel est le sens du Civic Tech festival que Jokkolabs a abrité ?
L’événement qui nous réunit aujourd’hui (20 décembre 2018, Ndlr) à Dakar, entre dans le cadre l’Africa Civic Tech Festival (20 au 22 Décembre 2018) que nous avons mis en place grâce au soutien de CFI Média. Il se déroule simultanément dans sept clubs Jokkolabs d’Afrique : Abidjan, Bamako, Casablanca, Cotonou, Dakar, Douala et Ouagadougou. L’idée est de voir comment allier les nouvelles technologies et la citoyenneté. Cela veut dire comment, aujourd’hui, rendre les nouvelles plus facile accessibles à toutes ces communautés qui mettent en place des initiatives et des dynamiques qui leur permettent de s‘épanouir, mais également de pouvoir démontrer leur engagement de manière démocratique en vue d’un développement économique inclusif et harmonieux.
Le Civic Tech était la dernière activité d’une année 2018 riche en évènements à Jokkolabs…
En effet. Nous avons voulu terminer cette année de manière très forte dans la suite de toute ces activités que nous avons tenues tout au long de l’année ; autour de l’entreprenariat et des dynamiques collectives, des moments de partage sur les problématiques liées a l’entreprenariat, l’utilité d’y impliquer le numérique. Vous savez les clubs Jokkolabs constituent des cadres qui permettent aux entrepreneurs d’exposer leurs problématiques afin que les décideurs publics s’engagent davantage.
Quel bilan pouvez-vous tirer des douze mois d’activités passés ?
2018 fut une année très riche pour Jokkolabs en matière d’engagements, de programmes et d’activités. Nous avons porté des initiatives que nous voulions répliquer à grande échelle pour que la jeunesse africaine se les approprie. L’éducation est au cœur de nos préoccupations. Et nous avons débuté l’année 2018 en février avec un HackEdu, qui a permis de sortir avec des solutions innovantes qui abordent des problématiques autour de l’éducation. Dans le même domaine, en partenariat avec la Fondation Xaleyi nous avons lancé un « EducaLab » – un laboratoire en éducation- avec vingt femmes, vingt éducatrices formées pendant six mois pour développer des solutions innovantes pour le maintien des filles à l’école par la méthodologie du design thinking.
Cette année, nous avions également en charge la coordination générale pour l’Afrique de l’Africa Code Week, une semaine intense du mois d’octobre dédié au codage informatique. Aujourd’hui le code est un nouveau langage. Il est donc indispensable d’initier les populations, les enfants et les adultes, pour ne pas être marginalisés dans ce monde hyper connecté et digital. La Semaine mondiale de l’entreprenariat, en novembre dernier, comme d’habitude, Jokkolabs n’a pas été en reste. Elle a été très riche, car portée par quatre-vingt-huit évènements déroulés à travers tout le Sénégal, de Saint-Louis à Ziguinchor, Kaolack, etc.
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Nous espérons pour l’édition 2019 toucher davantage le Sénégal oriental. Nous avons également participé au Global Entrepreneurship Congress à Istanbul, l’événement annuel qui regroupe toutes les organisations membres du Global Entrepreneurship Network et réunit 170 pays qui participent avec leurs entrepreneurs et décideurs publics. Pour le congrès mondial qui se tiendra, en 2019, à Bahreïn, nous espérons mobiliser les pouvoirs publics pour accompagner la participation des entrepreneurs sénégalais à cet événement majeur.
« C’est la volonté politique qui permet de mettre l’accent sur l’écosystème numérique local »
En Afrique, le taux de bancarisation très faible (21%) induit une marginalisation d’une grande partie de la population. Quelle place occupe le thème de l’inclusion financière dans les programmes de Jokkolabs ?
L’inclusion financière constitue l’une de nos préoccupations majeures, dans la mesure où dans nos sociétés africaines la croissance est portée à plus de 80% par le secteur informel. Dans ce cadre, nous menons une collaboration avec la Société générale à travers un laboratoire d’innovation installé au sein même de nos locaux. Ce laboratoire a impulsé une thématique dénommée « l’arbre à palabre », qui a permis de regrouper des entrepreneurs du secteur informel de toute l’Afrique : Cameroun, Cote d’Ivoire, Guinée, Sénégal, etc., des pays anglophones comme le Ghana et Kenya. L’idée était dans un premier temps de créer un moment d’échanges entre des Fintechs issues de ces pays, qui ont su identifier leurs besoins et préoccupations. Dans un second temps, il fallait dans une saine émulation en choisir quatre qui ont développé des solutions innovantes, aptes à booster l’inclusion financière, et qui, aujourd’hui sont utilisées par les populations. Je pense, par exemple, à cette caisse enregistreuse pour les boutiquiers, et qui leur permet de tenir à jour, grâce au digital et de façon simple leur comptabilité. En novembre dernier, un grand Demo Day a été organisé à l’intention de la presse d’Afrique et d’Europe pour présenter les innovations concrètes quatre Fintechs. Elles ont été incubées par Jokkolabs ici à Dakar, bénéficié d’une expédition jusqu’à Bangalore, pour une immersion dans le riche et très innovateur écosystème numérique indien.
Jokkolabs est également membre de Digital Africa, une association à l’initiative du président français Emmanuel Macron et doté d’un fonds de 65 millions d’euros…
Jokkoolabs assure d’ailleurs la présidence de Digital Africa, qui est une initiative du président français Emmanuel Macron et doté d’un fonds de 65 millions d’euros pour accompagner les innovateurs africains. La plateforme a été lancée au mois de novembre dernier, et qui permettra de mutualiser toutes les initiatives du continent, regrouper aussi bien entrepreneurs, startups, investisseurs publics et privés pour que tous ces acteurs et intervenants puissent s’interconnecter et trouver des dynamiques pour impulser tous ces potentiels dont regorge la jeunesse africaine. Au delà de cette plateforme, l’initiative Digital Africa permet également de mettre en place des événements tels qu’Emerging Valley, qui connectent les entrepreneurs, les startups, les investisseurs et qui permettent également de donner une très grande visibilité à tout ce potentiel de la jeunesse africaine. Donc la plateforme est en place. Nous sommes en phase béta test et prêchons pour que toute la jeunesse africaine s’y intéresse, s’inscrive sur ces plateformes pour créer des dynamiques collaboratives.
Mais il y a le fait qu’il existe un grand retard à rattraper par l’écosystème numérique francophone par rapport à celui anglophone. Comment résorber ce gap ?
En effet, c’est une réalité. On trouve plus de champions dans les startups anglophones que celles francophones. Cela peut s’expliquer selon deux facteurs : le premier est démographique. Si nous prenons le cas des appels à projets, un pays comme le Nigeria, qui regorge de startups, présentera plus de candidats. Donc, rien que cela les avantage par rapport aux pays francophones du continent. Le second facteur, qui me semble plus décisif, concerne la volonté politique qui, aujourd’hui permet de mettre un accent et un focus particuliers sur l’écosystème numérique local ou régional. Cette volonté politique est plus affirmée dans des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya, etc. Dans ces pays, les startups sont vraiment engagées et soutenues par les pouvoirs publics.
Au Sénégal, nous espérons que la nouvelle dynamique avec le premier Forum du numérique au mois de mars dernier, la mise sur pied de la Délégation à l’entreprenariat rapide (DER) – quand bien même il faut savoir être patient pour être entrepreneur, savoir accepter l’échec, etc. Bref.
Donc, je crois que la mise en place des ces nouveaux diapositifs révèle une volonté politique qui commence à s’afficher. Cette dynamique maintenue permettra d’avoir de nouveaux champions pour le Sénégal, qui représente quand même un porte-étendard dans l’espace francophone.
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