Directrice et cofondatrice du projet Bay Tech, Mboyo Sow est une jeune femme très entreprenante. A 22 ans déjà, l’étudiante en troisième année en Marketing Communication pilote d’une main de fer un projet qui lui vaut d’être finaliste à l’émission Great Entrepreneur, diffusée sur la première chaine télé du Sénégal (Rts1). Ses rêves, elle y croit et être femme ne l’empêche guère d’aller jusqu’au bout de son rêve qui est d’arriver à changer le quotidien de ces milliers d’agriculteurs qui souffrent de mauvais rendements en milieu rural. Entreprenante jusqu’au bout des ongles, Mboyo Sow voit à travers son projet Bay tech, l’émergence du Sénégal. Le Quotidien entre, en ce 8 mars, dans l’univers de cette jeune fille qui fait de sa condition de femme non pas un handicap, mais un atout.
Au Sénégal, bon nombre d’agriculteurs ont des problèmes pour atteindre les résultats escomptés. Au terme d’une campagne agricole, la plupart enregistrent d’énormes pertes. Dans son Louga natal, la jeune peulh voyait le visage sombre de ses parents agriculteurs. « Je les voyais souvent vendre tout leur bétail pour se lancer dans l’agriculture qui, finalement, ne donnait pas de résultat. Ça me faisait un peu mal, parce qu’ils s’appauvrissaient et c’était désolant. »
Aujourd’hui pour Mboyo Sow, il n’est plus question de pertes. Avec son projet Bay tech, ses parents peulhs retrouveront sûrement le sourire. Bay tech est en effet une application mobile hybride conçue, il y a à peine 4 à 5 mois, utilisable avec ou sans internet avec la technique Ussd, ce fameux *123*. Elle guide les agriculteurs sur le choix de leur culture et propose un système de rappel par Sms ou message vocal des dates de traitement phytosanitaire et de fertilisation des cultures. Dans sa version Mms, l’application permet à l’agriculteur qui constate une anomalie au niveau d’une feuille d’une plante, de photographier la plante et de l’envoyer pour recevoir des informations concernant cette anomalie et les moyens d’y remédier.
Au lieu de s’attacher les services onéreux d’une structure privée ou d’un technicien agronome, Bay tech propose aux agriculteurs une assistance technique et mobile 24h/24h et 7jours/7 valable pour plusieurs types de cultures : céréalières (mil, maïs, Shorgo), maraichères : (tomates, les patates,…) fruitières (banane, la mangue,…) et donne également à ses utilisateurs, la possibilité de contrôler l’irrigation des plantes à distance, de mesurer la profondeur et la qualité de l’eau dans le champ et la teneur en Npk (azote, phosphore, potasse : des ingrédients qui se trouvent dans le sol et qui boostent la plante) dans le sol et cela en plusieurs langues. Bay tech prévoit dans ses multiples versions de détecter les insectes nuisibles une fois qu’ils sont dans le périmètre. L’application est, selon ses concepteurs, un projet riche, innovant et accessible à tous.
Un Sénégal émergent avec des femmes émergentes
Au Sénégal, 70% de la population active sont tournés vers l’agriculture. Pour Mboyo Sow, c’est amplement suffisant pour en faire l’une des bases de « notre développement économique et social ». Le fait d’accompagner les agriculteurs, à travers Bay tech, équivaut à son niveau, à réduire, non seulement campagnes agricoles ratées mais surtout à participer au développement de son pays. Malgré son jeune âge, Mboyo Sow croit fermement à son programme de faire du Sénégal un pays émergent, grâce à l’agriculture. Son âge, encore moins son statut de femme, ne l’empêche de croire à la viabilité de son projet Bay tech.
« Il y a cette discrimination, on me demande toujours pourquoi tu es dans l’entreprenariat. Surtout dans l’agriculture associée à la technologie. Etre entrepreneur ne dépend pas que tu sois une femme ou un homme, ait juste tes rêves et la conviction que c’est ce que tu veux et tu vas réussir. C’est un domaine très compliqué, entreprenariat, femme, technologie, agriculture, mais tant qu’on croit à nos capacités, on réussit partout. Etre femme et porter ce projet agricole, c’est un atout« , avoue-t-elle. Rajoutant à propos de l’application qu’il n’y a nul besoin de savoir lire ou écrire pour l’utiliser. Disponible en version audio (wolof, peulh, français), « l’application, tout le monde peut l’utiliser », note-t-elle.
Une Afrique en marche
Loin de se créer des barrières, l’application Bay tech entend aller à la quête du monde. Même si pour le moment, elle n’est disponible qu’au Sénégal en wolof, peulh, français, bientôt on aura des versions en bambara, soninké, diola et anglais, et Bay tech étendra par la suite ses tentacules dans d’autres pays africains, notamment le Mali, le Togo, la Côte d’Ivoire. « Nous sommes en train de travailler sur les autres enregistrements audio, pour les langues vernaculaires au Mali, Côte d’ivoire et Togo pour nous déployer dans ces pays », confie Mboyo Sow.
Les ambitions sont grandes, l’application est déjà courtisée par les ténors des télécommunications au Sénégal : Orange, d’autres Ong, l’Usaid,… Mais elle n’oublie pas ses objectifs primaires. Remporter la finale de Great Entrepreneur d’abord, et ensuite travailler, parfaire l’application, la rendre accessible à tous les agriculteurs, exploitants agricoles, Ong et tous ceux qui veulent se lancer dans l’agriculture au niveau local et travailler en synergie avec d’autres startups, d’autres jeunes entrepreneurs africains qui s’inscrivent aussi dans l’innovation pour un Sénégal émergent, une Afrique qui marche.