Dr Labaly TOURE, Géographe –Géomaticien, Chercheur au Laboratoire LEIDI de l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint louis, est un des spécialistes de la Géomatique au Sénégal. Il est membre du Plan National de Géomatique du Sénégal et Président de la commission Formation de l’Association Sénégalaise des Professionnels de la Géomatique (ASPG).
Dr TOURE est spécialiste de la géomatique, un ensemble de disciplines qui traitent de l’information géographie de sa collecte à sa diffusion.
Dans cet entretien, il revient sur les différentes domaines d’application de cette science qui produit des outils d’aide à la décision et à la gestion de l’espace avec des données fiables et précises.
C’est quoi la télédétection ?
La télédétection est une des disciplines de la géomatique. La télédétection désigne la discipline scientifique qui regroupe des connaissances, techniques et technologies utilisées pour l’observation , l’analyse , l’interprétation et la gestion de l’environnement à partir d’images, de données et mesures obtenues à l’aide de plateformes aéroportées, spatiales , maritimes ou terrestres.
C’est une des disciplines de la géomatique. Il s’agit de l’acquisition, du traitement, l’analyse de données telles que les images satellitaires, les photographies aériennes et de plus en plus des images acquisse par drone. Ces capteurs ont l’avantage de prendre des images de la terre et de l’atmosphère dans plusieurs longues d’ondes et de haute résolution. Elle apporte des informations nouvelles, différentes et spatialement localisées avec une répétitivité extraordinaire. Elle apporte aussi une information nouvelle et différente.
Aujourd’hui le suivi de l’environnement se fait mieux avec des images satellitaires.
La télédétection, à travers le traitement des images satellitaires, permet un meilleur suivi de l’environnement, des ressources. De plus en plus, l’accès à des images de moyenne résolution est possible. Ce qui permet, une meilleure démocratisation de l’accès à l’information géographique ainsi que de son traitement avec le développement des logiciels open source.
Pouvez- vous nous expliquer le SIG ?
SIG désigne Système d’information géographique. C’est un Système informatique permettant, à partir de diverses sources, de rassembler et d’organiser, de gérer, d’analyser et de combiner, d’élaborer et de présenter des informations localisées géographiquement, contribuant notamment à la gestion de l’espace. C’est un système puisant d’aide à la décision par sa capacité d’analyse de l’espace à l’aide des données géoréférencées organisées sous la forme de base données. Il peut être appliqué à la santé, l’environnement, les transports, les réseaux,
De ces expériences, il ressort que la géomatique est appliquée au Sénégal dans le domaine de la santé. Il existe de nombreuses expériences, projets, ONG qui l’utilisent mais on note un manque de coordination des synergies. La santé concerne tout le monde et la demande en information géographique sanitaire croit tous les jours face à un déficit de sources d’information fiables. Aujourd’hui avec le développement des logiciels libres, des communautés de bénévoles manifestent l’engagement de produire des données géographiques sur des plateformes variées (site web, application mobile, sig local,)
Une des limites est la non exhaustivité des expériences et l’accès à certaines informations. Il arrive aussi que des projets travaillant sur des problématiques déjà prises en charges par d’autres initiatives mais le défaut de coordination fait qu’on note des doublons et des pertes énormes. Egalement, l’accès à l’information officielle est très problématique. Certaines structures gardant leurs données de manière très jalouses et avec une faible volonté de partage et/ou d’information sur l’existence de la donnée. Il est clair que la synergie des acteurs multiples aux intérêts communs autour d’initiative concertée faciliterait la réalisation d’une bonne cartographie et de bases de données géographiques. De nombreux efforts sont en train d’être faits. Au Sénégal, plusieurs organisent sont conscientes de l’avantage et des retombées de la géomatique. Le meilleur de la géomatique est à venir au Sénégal et du coup à encadrer.
En tant que spécialiste, avez- vous un projet qui permettra aux Sénégalais de tirer profit des opportunités qu’offre la géomatique ?
L’accès à l’information constitue un atout pour le développement mais ceci est encore plus vrai pour l’accès à l’information sanitaire et aux services de santé en milieu rural qu’urbain. C’est pour pallier ce problème et répondre à une demande publique, que le Projet SIG Santé Sénégal, a été mis en place dans une dynamique citoyenne, collaborative, volontaire porté par Jokkolabs qui n’est plus à présenter. Dans sa première année, nous avons bénéficié de l’appui et de l’accompagnement considérables de Intrahealth. L’initiative SIG Santé est une communauté de jeunes de disciplines différentes qui travaillent avec engagement et volontairement pour la production d’informations géographiques, de cartes, de données sur la thématique Santé. Aujourd’hui, cette communauté plus de 1000 membres. Une plateforme web a été réalisée pour le partage des contenus à un plus grand nombre d’utilisateurs, de producteurs et de décideurs.
Le Sénégal a un plan national de Géomatique. En quoi consiste- t- il ?
Le développement d’une infrastructure géo-spatiale pour l’ensemble du territoire sénégalais, établissant un cadre de référence commun, est devenu impératif en vue d’encadrer les efforts déjà entrepris et d’établir un réseau d’échanges entre les différents SIG sectoriels.
Pour organiser toutes ces actions et disposer d’une vision claire, l’élaboration d’une stratégie nationale de développement de la géomatique était devenue incontournable D’où la signature en août 2008 d’un protocole d’entente entre le Canada et le Sénégal pour la mise en place d’un Plan national géomatique (PNG).
Le PNG est un document qui établit les objectifs, stratégies et moyens visés par les autorités sénégalaises pour le développement de la géomatique. Le PNG est donc le document de référence pour tout le programme de géomatisation du Sénégal.
Le Plan national géomatique du Sénégal est fondamentalement la feuille de route qui sera adoptée par le gouvernement pour doter graduellement le pays d’une infrastructure de données géospatiales (IDG/S).
Grâce à un environnement opérationnel adapté aux défis contemporains, le but d’une telle infrastructure est de faciliter le travail des grands décideurs et de tous les intervenants territoriaux : réaliser rapidement de meilleures analyses socio-économiques et environnementales, mieux planifier et en bout de compte, prendre de meilleures décisions.
Il convient de rappeler également que l’IDG/S se veut une infrastructure partagée par l’ensemble des producteurs, utilisateurs et développeurs sénégalais d’IG. Véritable chantier national, elle se doit d’être réalisée en lien avec les objectifs d’informatisation de l’État.
Le PNG a réalisé le géoportail qui est une application web qui permet à la communauté géomatique du Sénégal de connaître ce qui est disponible comme information géospatiale et information non géospatiale. Un grand effort est fourni dans le sens de combler le vide qui existait.
On peut aussi citer BaseGéo Sénégal qui est une base de données géospatiales accessible à tous. Elle contient des ortho-images Alos (format tiff) et des données vectorielles normalisées (formats shapefile et kml) aux échelles 1:50 000, 1:200 000 et 1:1 000 000.
Les drones, une technologie qui, actuellement, est beaucoup utilisée par, presque, tous ceux qui travaillent autour de l’image. Au Sénégal, c’est interdit. Qu’en pensez- vous ?
Le drone est une technologie qui permet de prendre des vues sur un espace. Il en existe de plusieurs types pour de multiples applications (agriculture, ouvrages, mines, …) . Son utilisation requiert la maitrise et la connaissance des règlementations en vigueur dans chaque pays. Avant son usage, l’utilisateur doit d’abord se renseigner sur les conditions ainsi que les normes.
Au Sénégal, malheureusement son utilisation est interdite. Cela est quand même préjudiciable pour les chercheurs et les professionnels car nous ne pouvons pas exploiter le potentiel des ces outils. Nous espérons que des autorisations exceptions permettront un usage contrôlé et encadré car les outils de la géomatique, les drones joueront un rôle important dans l’avenir. Nos sociétés ont tout intérêt à préparer, former la jeunesse pour mieux faire aux défis de développement.