Cheikh BAKHOUM est Directeur général de l’Agence de l’informatique de l’Etat (ADIE) du Sénégal. Précédemment, il a été Conseiller technique et Chef de service informatique de la Présidence de la République. Et a exercé chez Accenture France, avant de créer au Sénégal une société de service en ingénierie informatique.
A 34 ans, cet ingénieur diplômé de l’Ecole supérieure d’informatique électronique et automatique de Paris est Président du Conseil d’administration du SENIX, une instance chargée de la mise en place du Point d’échange internet au Sénégal. Cheikh BAKHOUM est également Directeur des projets TELEDAC, Large bande Sénégal et Fichier unifié du personnel de l’Etat.
Quels sont les objectifs poursuivis par l’Agence de l’informatique de l’Etat du Sénégal (ADIE) au plan de la gouvernance électronique ?
Nous ambitionnons de faire du Sénégal un pôle de référence dans le secteur des Technologies de l’Information et de la communication. Cela passe par le désenclavement numérique du territoire à travers l’extension du réseau haut-débit de l’Etat opéré par l’ADIE. L’objectif est de moderniser l’administration sénégalaise via un système d’information cohérent et évolutif pour offrir un service public de qualité aux usagers. Une infrastructure réseau moderne a été construite en ce sens. Elle a vocation à couvrir le territoire national et permet de mener une politique de dématérialisation pour simplifier les procédures administratives. Et délivrer des services à haute valeur ajoutée.
Quels sont les nouveaux e-services déployés ? Et les bénéfices pour les administrés ?
La dématérialisation des procédures administratives occupe une place importante. Après l’identification et la vulgarisation de plus de sept cent procédures administratives, nous avons mis en place la plateforme TeleDAC (Teledemande d’autorisation de construire), laquelle comprend sept nouvelles procédures à dématérialiser. L’inscription aux concours de l’Ecole nationale d’administration (ENA) a également été dématérialisée.
Nous envisageons à présent de passer à une phase d’industrialisation des téléservices, a l’instar de la dématérialisation de l’obtention des actes d’Etat-Civil et du casier judiciaire. L’ADIE déploie aussi des solutions logicielles pour répondre aux besoins métiers, tel le Système de gestion électronique du courrier (SyGEC). Et accompagne des structures administratives dans la modernisation de leurs sites web, notamment au plan de la sécurisation. Tous ces outils simplifient les relations entre l’administration et les administrés, et répondent aux préoccupations du citoyen en favorisant l’accès à un service public de qualité, performant et transparent.
Le Premier Ministre a récemment souhaité que l’ADIE s’implique dans tous les projets élaborés au niveau des ministères. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Le Premier Ministre permet à l’ADIE de concourir à la mutualisation et au partage des infrastructures, à l’interopérabilité des systèmes d’information et plus globalement à la rationalisation des ressources. Renforcer l’ADIE revient aussi, d’une certaine façon, à affirmer la souveraineté numérique et technologique du Sénégal. Toutes les structures relevant de l’administration sénégalaise savent aujourd’hui qu’une entité compétente est disponible pour les accompagner dans tous leurs projets d’informatisation.
L’ADIE parvient-elle à couvrir l’ensemble du périmètre de son action ?
L’ADIE n’a pas toujours eu le niveau d’implication approprié dans le pilotage et la mise en œuvre des projets d’informatisation de l’administration. C’est ce qui explique que certaines structures s’adressent à des prestataires privés, en dépit des services de qualité que l’Agence serait en mesure de leur offrir gratuitement. Pour inverser la tendance, nous avons entamé un vaste chantier d’information et de sensibilisation sur notre structure et ses missions.
Comment se passe la coopération avec les directions informatiques des différents ministères ?
Les directions informatiques sont nos relais naturels. Et sont d’une grande utilité, notamment pour le déploiement de nos services tant au sein des cabinets ministériels que dans les services rattachés. L’ADIE n’a pas vocation à se substituer aux DSI des autres départements. Elle agit comme support en apportant son expertise dans ses domaines de compétences.
Pourriez-vous nous citer quelques exemples de coopération ?
Nous sommes intégrés dans quasiment tous les projets TIC des ministères. L’ADIE a entamé le projet de numérisation des titres de transport pour le Ministère des Infrastructures, des transports terrestres et du désenclavement. Et appuie les projets informatiques des structures administratives. Elle est aussi partenaires de l’audit du fichier du personnel de l’Etat avec le Ministère de la Fonction publique, de la rationalisation des effectifs et du renouveau du service public. L’ADIE est également partie prenante de l’opérationnalisation du plan directeur du Ministère de la Santé et de l’action sociale, ainsi que de la dématérialisation du casier judiciaire avec le Ministère de la Justice. Et participe à la mise en œuvre d’une plateforme de télépaiement avec le Ministère de l’Economie, des finances et du plan.
Où en est le projet de déploiement du « Backbone » national ?
La phase 3 du Backbone actuel vient de démarrer en début d’année. Elle vise au déploiement de 3 000 km supplémentaires de fibre optique. Une couverture intégrale du territoire en haut débit sera disponible d’ici à fin 2016. Les besoins de l’administration sénégalaise seront pris en charge et la capacité d’accès aux infrastructures aux opérateurs privés sera renforcée. Avant le démarrage du « Projet national large bande Sénégal », l’ADIE avait déployé 1 500 km de fibre optique, un réseau cellulaire de type CDMA et un réseau sans fil de type WiMAX.
Quelles sont les ressources humaines, techniques et financières requises ?
Ce projet d’envergure va mobiliser des dizaines d’ingénieurs et de spécialistes. Une campagne de recrutement a été lancée pour compléter l’effectif composé pour partie du personnel de l’ADIE et pour partie de partenaires chinois. Une main d’œuvre locale sera sollicitée dans toutes les régions concernées par ce déploiement. Plus d’une centaine d’emplois sera créée. Grâce à la technologie basée sur le multiplexage d’ondes, l’infrastructure en fibre optique disposera d’une très grande capacité. Les moyens techniques et financiers ont été mobilisés dans le cadre de la coopération bilatérale entre le Sénégal et la République populaire de Chine.
Le Tchad vient de faire appel à l’expertise sénégalaise en matière de gouvernance électronique. Quelle est la nature de cette coopération sud-sud ?
Un protocole d’accord vient d’être signé entre nos deux pays. Il va permettre à l’Agence des technologies de l’information et de la communication du Tchad (ADETIC) de s’inspirer de l’expérience de l’ADIE pour la mise en œuvre de la politique informatique nationale. L’ADIE s’engage à partager son expérience notamment pour l’élaboration du plan stratégique de développement de I’ADETIC, de l’harmonisation et de la modernisation des sites web des structures administratives tchadiennes, de l’étude et de la mise en place d’un centre de ressources et de la mise en place de téléprocédures.
A l’instar de la SNDI de Côte d’Ivoire, qui viendra partager son expérience lors de la 6ème édition de l’IT Forum Sénégal organisé par Cio Mag, des projets de coopération avec d’autres pays africains existent-ils ?
Nous avons des projets de coopération avec le Niger et le Benin, lesquels envisagent de signer des accords avec nous. Et avons développé des échanges avec le Rwanda, le Cap Vert… L’IT Forum de CIO Mag, qui se déroule au Sénégal, nous donnera des opportunités supplémentaires d’échanges avec nos homologues africains.
Depuis votre arrivée à la tête de l’ADIE, quelle réalisation vous a donné le plus de satisfaction ?
L’élaboration du catalogue de services, qui comprend l’ensemble des solutions que l’ADIE délivre aux structures administratives, est la réalisation la plus emblématique. Le catalogue réorganise les rapports entre l’agence et les usagers. Et promet des collaborations fructueuses entre les secteurs public et privé, avec à la clé de nouveaux services.
L’actualité au Sénégal reste marquée par le refus catégorique des trois opérateurs de télécommunications de répondre à l’appel d’offres pour l’attribution de la licence 4G. Quels sont vos commentaires ?
Il faut s’en désoler. Il était possible que les opérateurs répondent positivement à l’appel de l’Etat du Sénégal. L’offre des services disponibles pour leurs abonnés se serait alors substantiellement améliorée.
Propos recueillis par Véronique Narame – Cio Mag