Intitulé «La jeunesse africaine a une voix», le premier livre de IbukaNdioli naît d’un sursaut. Normal quand on refuse comme lui de jouer les blasés ou les indifférents. Face au Printemps arabe, le jeune homme, qui n’a que 20 ans à l’époque, rêve d’une révolution moins violente ou plus intelligente comme il dit. Entre l’essai, la nouvelle et l’anthologie, on lui doit encore toute une série d’ouvrages, publiés par un certain Marcus Da Writer, son nom d’auteur : « Ces choses que j’aurais voulu qu’on me dise lorsque j’étais plus jeune », «Journal d’un muet » ou plus récemment « Les histoires de vos vies »…Véritable touche-à-tout, IbukaNdioli vient aussi de se lancer dans l’édition numérique, avec la maison Kusoma qui inclut une librairie et une bibliothèque en ligne
Ses premiers écrits avaient l’innocence de ses premières années. Ibuka Ndioli raconte d’ailleurs qu’à l’âge de 7 ans, il gribouillait bien plus qu’il n’écrivait. De petites lettres apparemment sans histoires que le gamin de l’époque adressait surtout à ses parents ou à ses amis ; rien de très fictif finalement. C’est ensuite qu’il apprendra plus ou moins à dompter le réel ou à lui faire quelques infidélités. IbukaNdioli s’amuse alors à modifier le cours de ces nombreuses histoires qui sortent tout droit de ses livres pour enfants, leur greffant à sa guise quelque fin inattendue ou quelque chose de tout à fait imprévu.
Publié en 2011 sous le titre «La jeunesse africaine a une voix», son premier livre, qui n’a rien d’une fiction, se présente sous la forme d’un essai politique plus ou moins fabriqué pour ne pas dire engendré par l’actualité. En plein Printemps arabe, alors qu’il souffle sur le Maghreb un vent de contestation populaire, IbukaNdioli refuse de jouer les blasés. Son propos est assez simple : il est évidemment très noble le combat pour la démocratie, mais encore faudrait-il s’y prendre de «manière intelligente». Autrement dit pas de violence stérile ; dans le même registre que celui d’un certain Stéphane Hessel, IbukaNdioli parle lui aussi de s’indigner.
Cet ouvrage n’avait pourtant pas l’ambition d’être un livre ; un article aurait peut-être suffi, publié en ligne pourquoi pas, et c’est d’ailleurs de cette façon-là que tout a commencé. IbukaNdioli ne s’en cache pas : il est très présent sur les réseaux sociaux où ses écrits pour ne pas dire ses posts, comme pour respecter le jargon, sont même assez populaires. La famille ou «la communauté s’est agrandie». On y parle politique, entreprenariat, leadership, autonomisation des jeunes, de prise de conscience etc. «J’ai envie de susciter le débat, dit IbukaNdioli, je ne voudrais que les jeunes africains comme moi restent passifs».
[tabs type= »horizontal »][tabs_head][tab_title]«Je suis un peu sénégalais»[/tab_title][/tabs_head][tab][/tab][/tabs]
Ce n’est jamais très anodin lorsque le jeune homme parle de l’Afrique, avec cette façon qu’il a d’assumer de n’habiter nulle part en fin de compte. Et quand on le renvoie à ses origines, on a comme l’impression que la question ne le concerne pas vraiment, ou alors d’assez loin. Trop étriqué, trop étiqueté peut-être…«Je suis un peu sénégalais», lâche-t-il finalement, et sans doute aussi un peu congolais etc. Ce statut de mosaïque culturelle à lui tout seul, c’est sans doute à ses nombreuses pérégrinations qu’il le doit.
L’an dernier, il publiait un recueil de nouvelles d’un genre particulier, puisqu’il s’agit en fait de la compilation d’une quinzaine de textes qui sont autant de récits de vie que IbukaNdioli a bien voulu rassembler. Ces histoires, toutes vraies faut-il préciser, se présentent surtout comme une série de «témoignages troublants» ou de «vécus extraordinaires». Au début comme à la fin, IbukaNdioli n’hésite pas à rajouter son grain de sel : ne vous attendez pas systématiquement à une happy end, dit-il au lecteur, en plus de la morale qui clôt chacune de ces histoires, à la manière d’un conte.
Certains de ces récits vous feraient presque songer à quelque fait divers de presse quotidienne : le viol d’une gamine de 13 ans, une maman proxénète etc. Si tout cela peut paraître plus ou moins glauque, IbukaNdioli pense surtout que dans des sociétés aussi «hypocrites» que peuvent l’être nos sociétés humaines, on s’empresse de juger les autres, en ignorant parfois tout ou presque de leurs chemins de vie.
Elle vient de là l’idée de mettre sur pied la maison Kusoma, qui regroupe à la fois «un éditeur, une librairie et une bibliothèque en ligne», ne serait-ce que pour pouvoir «donner le choix aux lecteurs». Chez Kusoma, c’est simple, on cherche avant tout à «démocratiser le livre», histoire de ne pas en faire un objet de luxe. IbukaNdioli part d’un constat : «Les auteurs africains écrivent, mais ils sont souvent mal distribués, et le livre papier n’est pas toujours très accessible financièrement».
Source – Sud Quotidien