Mozilla avait annoncé à l’occasion du MWC 2015 de Barcelone en mars dernier, la signature de partenariat avec de grands groupes pour le déploiement progressif de Firefox OS dans les pays du sud. Ce 11 mai dernier Orange a lancé Klif (je ne kiffe pas ce nom !), au Sénégal et au Madagascar, en partenariat avec Mozilla. Il serait lancé par la suite vers d’autres pays africains tels que l’Egypte, la Tunisie, le Cameroun, le Botswana, le Mali, la Côte d’Ivoire, la Jordanie, le Niger, le Kenya, l’île Maurice et le Vanuatu.
Orange Klif est un smartphone d’entrée de gamme, de la même trempe que les Alcatel Pixie, Samsung galaxy trend lite, etc. Il est fabriqué par Alcatel et tourne sous la version 2.0 de Firefox OS. Je ne reviendrai pas ici sur les spécifications techniques des matériaux qui composent ce modèle parce que déjà relaté en long et en large sur le web mais il est intéressant de retenir ceci. Il s’agit bien d’un smartphone (vous savez? Un téléphone intelligent) qui plus est, propose de la 3G.
Un smartphone d’entrée de gamme, poussé par Orange mais qui est différent.
D’après les analystes, les ventes de smartphone en Afrique ont doublé en 2014. Orange, qui depuis 2013 propose des smartphones d’entrées de gamme et qui en a vendu un volume important, lança ce 11 mai 2015 Orange Klif pour s’adresser à un nouveau segment du marché pour lequel l’Internet Mobile était inaccessible. En effet le smartphone Orange Klif ne se différencie pas que par rapport à son prix. Orange Klif tournant sous FireFox OS peut s’adapter aux langues locales, le Wolof et le Poular plus exactement.
“Mozilla s’efforce de veiller à ce que le prochain milliard de personnes à venir en ligne pour la première fois à travers leurs smartphones découvre un Web ouvert, participatif et qui favorise la créativité. “ La Fondation Mozilla
Entre 2007 (date de la démocratisation de l’écran tactile avec la mise sur le marché de l’iPhone) et aujourd’hui, nous sommes passés de l’ère du click à l’ère du pinch-to-zoom.
“Le prochain milliard de personnes” connecté au web ne serait-il pas les analphabètes du 21ème siècle? Ceux qui ne savent pas utiliser un ordinateur et non un smartphone?
L’étape sautée
La majorité de la population du Sénégal ne sait pas utiliser un ordinateur encore moins Internet, c’est un fait avéré. Les 295 839 clés Internet (Chiffres ARTP) représentent une goutte d’eau par rapport à la population totale. Mais le boom du mobile dans nos contrées et de l’Internet mobile devrait combler le fossé. Pour preuve, “Orange connaît également une demande croissante pour les données mobiles et a constaté une augmentation de 44 % du chiffre d’affaires généré par celles-ci au dernier trimestre 2014 à données comparables.”.
Ainsi une part prépondérante de la population saute l’étape de l’accès à Internet via un ordinateur pour passer directement à l’accès via les terminaux mobiles pourvus de modules 3G. Ceci pose la double problématique à la fois du filtrage des contenus web proposés et de l’accessibilité du contenu en lui-même.
Ailleurs la culture de la protection des jeunes sur le web est déjà très bien ancrée.
Le parent qui donne un ordinateur à son enfant active toujours les sessions dédiées au contrôle parental. L’enfant est ainsi protégé des sites explicites, les sites de propagandes terroristes, les contenus liés à la pédophilie etc. Le smartphone n’échappe pas à cette règle également car il existe une quantité d’applications, ou de systèmes d’exploitation mobiles dédiés aux enfants.
Au Sénégal, une étape a été sautée par la jeune génération. Les jeunes sont trop pressés d’acquérir un smartphone ou une tablette et non un ordinateur. Il n’y a pas de contrôle parental à ce niveau et peu d’adultes (parents) savent où les paramétrages se trouvent. Pourtant presque tous les jeunes collégiens, lycéennes disposent d’un smartphone ou d’une tablette. Les conséquences peuvent être désastreuses
Firefox OS peut intervenir dans un tel environnement de filtrage. Mais ceci n’est pas son seul avantage.
Firefox OS pour mon cousin du village.
J’ai dit plus haut qu’il est possible de changer la langue du système du smartphone Orange Klif en wolof ou peulh. Le système est encore tout jeune mais on pourrait imaginer des applications pratiques allant dans le sens de connecter véritablement les populations non instruites à la lecture ou l’écriture de l’alphabet.
Pour permettre à mon cousin du village d’accéder à diffèrent degrés de lecture de son environnent, Klif tel Siri, Cortana ou Ok Google pourrait lui parler via la synthèse vocale et ceci dans sa langue.
C’est logique et inévitable. La synthèse vocale en foulfoulbé (peulh) ou wolof est le chaînon manquant, le chef d’orchestre qui permettra à la majorité de la population d’accéder à l’éducation numérique, d’accéder aux connaissances dans un langage compréhensible. On peut déjà imaginer des interactions riches et croisées.
Le berger pourrait demander à son Kilf l’état de la météo pour bien diriger son troupeau, des échanges avec le vétérinaire de la zone pour le diagnostic du cheptel, l’état d’approvisionnement en lait de la ville la plus proche, etc. Et tout ceci sans la barrière de la langue.
Pour faire simple, si on comprend dès à présent qu’on peut s’affranchir de l’entrave de la langue, on comprendra alors l’incroyable portée et les enjeux que cela va changer. Le champ de possibilités et d’avantages qui vont en découler sera illimité.
Et le digital local dans tout ça?
Ils n’auront pas le choix. Le prochain leader de l’actualité online sera le portail qui est capable de parler les 3 langues, français, wolof, poular (en attendant le serere, le diola, et les autres) et cela selon le device de l’utilisateur. L’objectif de toute création digitale étant de capter aussi bien l’utilisateur, l’usager et le passant, il est primordial pour nos portails d’infos, site d’annonces et sites e-commerces de s’adapter au web local avec du contenu local.
En effet les quelques millions d’internautes locaux représentent une goutte d’eau par rapport à l’océan de personnes à avoir dans son silo d’audience. Une différenciation majeure se dessine donc à l’horizon pour le digital local.
Faire parler un Expat ou Seneweb en wolof ou peulh ne fera qu’élargir le champ d’audience vers un nouveau segment et en conséquence avoir un impact réel et mesurable sur le chiffre d’affaire.
L’objectif n’est pas de limiter le web à une carte géographique mais plutôt d’avoir une carte composée d’un amas de consciences s’exprimant sur une langue donnée de s’affranchir du territoire qui semble les limiter pour en fin de compte apporter leur contribution au web.
PS : Merci à kaw Ibrahima Malal Saar pour le travail remarquable qu’il accomplit depuis un certain nombre d’années sur le portage de FireFox et Mozilla dans la langue Foulfoulbé.